La dictature du verre à vin

Une réflexion sur le choix du contenant pour le Champagne

À plusieurs reprises, des amis, des clients, ou même des connaissances m’ont partagé des vidéos sur Instagram et Facebook clamant haut et fort : « STOP ! Ne buvez plus votre Champagne dans une flûte. C’est une erreur. Vous passez à côté de son potentiel.»

Honnêtement, ce genre de contenu a tendance à m’agacer.

Pourquoi ? Parce que ces vidéos, souvent montées pour attirer des vues, se contentent de balancer des injonctions sans jamais expliquer le pourquoi du comment. Uniquement des affirmations, aucune profondeur. Et ça, c’est frustrant.

Même dans le milieu professionnel, certains m’ont interpellée :

« Pourquoi publies-tu des photos de flûtes alors qu’on sait tous qu’un verre à vin est plus adapté ?»

Oui, techniquement ils ont raison. Mais la question n’est pas uniquement technique. Alors, j’ai voulu creuser.

Voici mon point de vue.

PS : Si vous faites partie de ceux qui m’ont envoyé ces messages, continuez surtout ! Ils m’inspirent pour écrire de nouveaux articles de blog 😉

La science du verre

D’abord, un peu de science.

Selon les recherches de Gérard Liger-Belair, expert incontesté de l’effervescence (je vous recommande vivement son livre si le sujet vous intrigue), il a été prouvé que le verre à vin idéal pour le Champagne est…

Un verre à vin blanc en forme de tulipe, alliant une belle ampleur au centre et un buvant resserré pour concentrer les arômes.

Pourquoi ? Parce qu’il met en valeur les arômes subtils tout en conservant une belle effervescence.

La forme influence la façon dont les bulles se développent, et donc l’expérience globale de la dégustation.

Mais est-ce que cela signifie qu’on doit bannir la flûte pour autant ?

Pas si vite.

Au-delà de la technique : la magie du Champagne

Pour moi, l’essence du Champagne (et du vin en général) se trouve dans deux choses :

1. Comment il a été fait ?

Par qui, avec quelles valeurs, dans quel but ?

Chaque vigneron.ne a sa vision. Alors, pourquoi ne pas demander directement au créateur/à la créatrice comment il/elle préfère que son vin soit apprécié ?

Dans quel verre son vin est-il pensé pour être bu ? 

Bien sûr, si vous n’achetez pas directement au/à la vigneron.ne, vous pouvez toujours poser la question au/à la professionnel.le qui vous conseille : cette personne aura très probablement dégusté le vin et saura vous aiguiller avec pertinence !

Je me souviens d’une dégustation inoubliable avec Johannes Hasselbach du Domaine Gunderloch, en Allemagne.

Il nous avait fait goûter ses vins dans deux types de verres, expliquant que chacun était choisi pour des contextes différents :

• Un verre pour les pros : analyse technique, décorticage du vin sous toutes ses coutures.

• Un verre pour les moments festifs : qui aide à sublimer les saveurs gourmandes et les arômes charmeurs de la cuvée.

C’était à la fois pratique et poétique : un verre déshabille le vin, en fait un véritable plan de coupe, l’autre l’habille pour plaire.

Une approche aussi réaliste que captivante.

2. Qui va le déguster ?

Au final, c’est le consommateur qui importe.

Peu importe son niveau de connaissance, c’est lui qui vit l’expérience.

Son humeur et l’occasion sont des facteurs essentiels de la dégustation.

Et s’il préfère une flûte parce que, pour lui, flûte = Champagne = fête…

Qui sommes-nous pour lui retirer ce plaisir ?

Ne serait-ce pas plutôt au/à la professionnel.le d'envisager le vin sous tous les possibles contenants qui lui seront attribués ?  

Et puis, la flûte a ses atouts.

Quoi de plus élégant et aérien que le liseré de bulles qui chemine gracieusement en son centre ? Ce spectacle visuel fait partie de la magie du Champagne.

En conclusion

Alors, faut-il absolument jeter vos flûtes et ne boire que dans des verres à vin ? Selon moi, non.

Le verre idéal dépend du contexte, de la personne, et de l’occasion. Le vin, c’est avant tout une histoire de plaisir et de partage, pas de règles gravées dans le marbre.

Finalement, choisissez le verre qui vous parle le plus, celui qui amplifie votre moment. Et si c’est une flûte ? Alors trinquez sans complexe.

À votre santé !